mercredi 14 mars 2012

Le Cabaret du Père Lunette

Il y a quelques mois, une façade anodine, assez sale, dans une rue peu fréquentée du 5e arrondissement de Paris, a commencé à m'intriguer.

Rien de bien intéressant, me direz-vous, des rideaux de magasins baissés depuis des années, ça court les rues...

Oui, mais...

Ce magasin qui n'a l'air de rien recèle un trésor inattendu, les traces de ce que pouvait être le quartier Maubert à la fin du 19e. Ici, au 4 rue des Anglais, se trouvait le Cabaret du Père Lunette.


Le cabaret du Père Lunette, bouge infâme du quartier des chiffonniers.


Le cabaret est connu, à l'époque, pour être l'un des rendez-vous de toute la lie de la société, plus particulièrement celle de la Maub' : un bouge infâme dans un quartier misérable où pour entrer il fallait se frayer un passage dans un nuage de fumée, se glisser entre les jambes des consommateurs avachis sur les bancs, trop imbibés pour se redresser quand l'alcool commençait à leur tenir tête...

Derrière la devanture rouge vif, une salle plus longue que large était séparée du fond par une paroi vitrée ; la seconde pièce, équipée de quelques tables et "agrémentée" d'une petite fenêtre avec vue sur cour, était appelée le Sénat. Pourquoi ? Était-ce, à l'origine, l'endroit où se retrouvaient les "notables" du troquet ? Était-ce par rapport aux sénateurs qui pouvaient, de leur palais situé quelques rues plus haut, regarder le jardin du Luxembourg ? Audacieuse comparaison, me direz-vous, ironie d'ivrognes.

C'est plus certainement la forme des bancs en U sur lesquels les vieilles prostituées avinées s'affalaient, qui fut à l'origine du nom.

Le Château rouge,
61 rue Galande photo de Atget (1902)
On vient s'encanailler d'un peu partout dans ce trou à poivrots, comme au non moins fameux Château rouge de la rue Galande, à deux pas de là, souvent cité en même temps.

Vous connaissez l'expression "faire la tournée des Grands Ducs" ? Elle vient de l'intérêt des neveux du tsar, à la fin du 19e siècle,  pour les lieux glauques. Ils venaient en France pour visiter l'enfer de Paris ; on leur choisissait les endroits les plus sordides, les plus improbables pour la noblesse russe, de façon à les impressionner. Le cabaret du Père Lunette aurait fait partie de ce circuit.




Beaucoup de textes racontent ce qu'était cet endroit, ce qu'il représentait et la faune qu'on y trouvait. Il suffit d'une petite balade dans les archives en ligne de Gallica pour s'en rendre compte ; Huysmans, Macé,Virmaître... et Oscar Méténier, habitué des lieux :

Panurge (Paris. 1882)
Panurge (Paris. 1882)
Source: Bibliothèque nationale de France
Chez le Père Lunette
"La rue est étroite, sale, puante, noire ; quand la nuit vient, son aspect horrible ferait reculer le passant le plus déterminé. Un peuple haillonneux et déguenillé grouille. Chiffonniers, escarpes, crochets, tout cela s'agite, crie, hurle, jure, siffle, glapît. La lueur blafarde des lanternes des hôtels borgnes, où l'on loge à la nuit, illumine par instants des faces blêmes et sinistres.

Numéro 4, une porte dont le vitrage est garanti par des barres de fer et au-dessus de laquelle on voit dessiné une gigantesque paire de lunettes ; c'est là, le rendez-vous de l'aristocratie du crime et de la misère. On entre et une buée chaude, dont l'haleine empestée des buveurs et les vapeurs du trois-six ont fourni les éléments, vous saisit à la gorge.

Au milieu de l'âcre fumée des brûles-gueules, les habitués, accroupis sur les barres, se chamaillent, chantent, boivent, et renouvellent leurs consommations à dix ou quinze centimes, qu'un athlétique garçon, en bras de chemise, ne verse qu'autant qu'il en a reçu préalablement le prix ; car la confiance ne règne pas et l'on pourrait écrire à la porte cet avis désespérant : Ici, l'œil est inconnu !
Les manches retroussées et les bras croisés, faisant saillir une formidable paire de biceps, le père Lunette se tient debout, derrière un comptoir d'étain et dominant de sa grande taille l'étrange assemblée.

Rue des Anglais
par Paul Schaan, 1906
Il sourit avec satisfaction en contemplant son image, qu'un peintre incompris et probablement insolvable a fixé sur une toile ; il encourage les artistes qui, le crayon ou le charbon à la main, illustrent les murs de dessins et de portraits, tels qu'en peut rêver l'imagination la plus dévergondée, son regard paternel s'étend sur les pochards que des libations trop répétées ont fait rouler sous la table et dont l'existence ne se révèle que par des ronflements sonores, qui dominent le tumulte.

A ses côtés, trône son épouse, forte femme qui partage avec lui les grandeurs du pouvoir. A elle
est spécialement dévolue la surveillance de la seconde salle, séparée de la première par une cloison de planches, s'élevant à hauteur d'homme. Dans ce cabinet particulier d'un nouveau genre, se tiennent, autour d'une table en fera cheval, des créatures sans nom, formant la clientèle femelle de l'établissement. On trouve là le ban et l'arrière-ban de la prostitution. Toutes, vieilles ou jeunes, car il y en a de jeunes, édentées ou flétries avant l'âge, réclament un verre de consolation à des étranges amants que leur fournit le hasard et, saoules, avachies, l'oeil hébété, l'ordure à la bouche, elles les paient, en retour, de leurs caresses infectes et de leurs hideux embrassements.

Parfois, du fond du bouge, un long cri s'élève, une dispute éclate, les tabourets volent, les tables s'écroulent. Alors, pareil au dieu marin qui d'un regard calme les flots et les poissons en courroux, le père Lunette s'avance, un nerf de bœuf remplace le trident ; derrière lui marchent la maîtresse du lieu et le colossal garçon.

Avec impartialité, l'implacable justicier frappe à droite et à gauche ; semblables à des fauves, que fascinent l'œil clair et froid du dompteur, les combattants lâchent prise et courbent le dos.
L'ordre renaît comme par enchantement et il n'y a pas d'exemple que ces arrêts sans appels aient jamais soulevé la moindre réclamation, ni provoqué la moindre révolte."

Oscar Métenier, 1882, revue Panurge n°19, pages 7 et 8.

Les fresques murales

Des endroits un peu craspouilles, on en trouvait ailleurs, alors quel est l'intérêt particulier de ce lieu ?

L'intérêt, ce sont les fresques qui viennent d'être retrouvées par la dernière propriétaire du lieu. Elles les a découvertes sous une couche d'enduit, très abîmées mais représentant des personnages connus et inconnus de la fin du 19e.

Ces fresques ont été réalisées par Julien Grenault, probablement entre 1871 et 1879, sous le "règne" de Pierre Mary. (1)

Louise Michel
On retrouve les noms de quelques uns des personnages peints sur les murs dans les nombreuses publication éditées entre la fin du 18e et le début du 20e siècle.
Huysmans en fit la description :

"La salle meublée de tables, de bancs et de tonnes, a des murs décorés de peintures saoules : une femme sans chemise posée sur un dos de poisson et à laquelle on tend une cuvette, puis Cassagnac qui la contemple, Gambetta dont l’œil foudroie avec des jets de lanterne, Plon-Plon(2) les chausses défaites, Louise Michel, tout un ambigu de célébrités un peu rances.
Un poète s’efforce d’expliquer en un baragouin de ruisseau les beautés de ces fresques et un musicien les braille, en grattant le bedon d’une guitare, — ce, après quoi, l’un et l’autre quémandent de la vinasse et des sous."
JK Hyusmans, "La Bièvre, les Gobelins, Saint-Severin"


Plusieurs raisons expliquent la mauvaise conservation des fresques murales : on raconte que le dernier locataire, furieux de voir la valeur de son bail tripler et obligé de fermer, décida de saccager le local avant de le quitter, causant ainsi de lourdes pertes à son propriétaire. Il aurait détruit les murs en y donnant de grands coups de masse...

Une autre version court sur l'état lamentable des peintures : la crue de 1910, la fameuse inondation du siècle, aurait sinistré l'endroit au point de faire se décoller tout l'enduit des murs entraînant ainsi la fermeture définitive du local.


Les Pères Lunette, de 1856 à 1908 :

Photo de la devanture du cabaret
par Atget, en 1906
Le fondateur de ce cabaret s'appelait Lefèvre. Il monta son bistrot en 1856, en fit un lieu de renom parmi les plus sordides du vieux Paris, avant de passer son tour dans les années 1860.

C'est lui qui donna son nom au lieu : porteur d'énormes lunettes cerclées de cuivre, il fut rapidement surnommé le père Lunette. Il porta ce surnom comme un titre de noblesse et fit de ses bésicles une enseigne que l'on peut voir sur quelques photos d'Atget.
Le père Lunette était amateur de peinture ; les artistes trop pauvres pour payer leurs consommation réglaient leur note en réalisant des caricatures et petits portraits qui étaient affichés dans le bistrot : le patron en était friand !


Ses successeurs, dont Louis-Pierre Berry à partir de 1870, qui garda son cabaret ouvert durant la Commune, et Paul Aldéricque Mary et sa femme, surnommée par extension la Mère Lunette, conservèrent le même état d'esprit, la même clientèle, et développèrent l'idée de se faire payer en peintures murales par les artistes maudits de l'époque.
 Le père Mary aimait particulièrement que les chansonniers écrivent et chantent à sa gloire et à celle de sa gargote : Fantin faisait partie de ces chanteurs des rues qui laissèrent des traces de l'ambiance de la rue des Anglais, à cette époque-ci ; c'est grâce à lui et à tous les journalistes, écrivains et poètes qui fréquentèrent le cabaret qu'on imagine encore aujourd'hui le panache avec lequel le maître des lieux se faisait respecter par cette population miséreuse.

Paul Mary dut fermer en 1886 par décision préfectorale, tout comme le Château rouge un peu plus plus loin, point final à la réfection de la rue Monge. Il décéda deux ans plus tard, en février 1888.

C'est le neveu de sa femme, Jean Chanson, qui reprit le lieu et le conserva jusqu'en 1908. Il fut le dernier Père Lunette. À son départ, toutes les gravures, peintures, caricatures, mobilier, alambiques et tonneaux furent dégagés.

Après lui, le cabaret devint un bouillon, restaurant rapide pour les ouvriers qui devait permettre à ses clients de  manger en moins d'une heure pour une somme modique. Ce bouillon, le "Caveau des Anglais" (sympathique...), était tenu par un certain Delrieu.
 Celui-ci ferma définitivement après les crues de 1910 qui abîmèrent considérablement le local. Peut-être est-ce à cette époque que la rue des Anglais perdit peu à peu ses commerces, accentuant encore un peu plus le côté sombre et sans intérêt de ce petit morceau de rue...

Pour finir :

Un dernier hommage au lieu, associé au quartier de la Maub' : Brassens a repris une chanson d'Aristide Bruant, À la Place Maubert :




Brassens_Place maubert par kitsch


Sources : 

- L'article le plus complet trouvé sur Internet : Cabaret du Père Lunette.

- Gallica, bibliothèque en ligne de la BNF : beaucoup de documents y sont disponibles, notamment des revues et journaux, mais c'est parfois un enfer pour y retrouver quelque chose...

- Des pdf ont été mis en ligne au moment de la constitution du projet de restauration. J'y ai puisé quelques photos pour témoigner du travail des restaurateurs.


Notes :
(1) ... Si l'on en croit le procès-verbal d'un conseil de la mairie du 5e arrondissement de Paris, en janvier 2006.

(2)Plon-plon est le surnom du Prince Napoléon, cousin germain de Napoléon III.

jeudi 16 décembre 2010

Brèves de Trottoirs

En fouillant un peu sur le net on fait des découvertes réjouissantes. C'est le cas avec ce site de reportages, hommages aux figures des quartiers parisiens, Brèves de Trottoirs.



Portraits réjouis d'hommes et de femmes ballotés par la vie mais optimistes, positifs et confiants, ces reportages méritent d'être partagés. Les images sont belles, les personnes mises en valeurs, sans intrusion de la part du reporter : un beau cadeau fait par Olivier Lambert et Thomas Salva aux familles de ces personnages et aux internautes...

dimanche 5 décembre 2010

Le mystère du plateau ciselé

Il y a deux ans, j'ai trouvé dans un dépôt-vente ce très beau plateau de laiton, entièrement ciselé sur fond en bois et accompagné de ses pieds pour une somme dérisoire.

Je n'en connais pas vraiment l'origine, et encore moins le sens des écritures gravées sur le plateau et sur le côté. Je l'ai trouvé dans la Manche, où les articles apportés par les anglais installés dans la région sont nombreux, ce qui  nous laissait supposer qu'il était originaire d'Inde.

Les artisans de l'Atelier du Cuivre, eux, sont certains qu'il s'agit d'un plateau marocain.
J'ai demandé à plusieurs personnes qui lisent l'arabe, mais les ciselures qui enrobent les lettres sont trop présentes, et limitent beaucoup la lecture. On peut y lire le nom d'Allah, mais c'est tout ce qu'on a pu m'en lire...
Une inscription dans les ciselures est lisibles : Warmth, soit "chaleur" en anglais. Ce qui jusqu'ici ne m'a pas beaucoup aidé à retrouver l'origine exacte de ce plateau, marocain, indien ou autre.

De l'entretien d'un vieux plateau encrassé

Entièrement recouvert de crasse et de vert-de-gris (des années de Miror mal étalé ayant fait leur travail de sape), il attend maintenant tranquillement chez ses nounous normands que je revienne quelques jours en vacances pour lui redonner une seconde jeunesse. Depuis deux ans, donc, mes soirées normandes riment avec famille et plateau/brosse à dent.

J'ai pu avancer considérablement cette année sur ce travail de longue haleine : l'équipe de L'Atelier du Cuivre de Villedieu-les-Poêles m'a filé un petit coup de pouce : désormais, l'huile de coude sera accompagnée de leur produit magique, le Cuivr'or, mis au point par eux-mêmes, pour eux-mêmes et pour les braves touristes fatigués de frotter leurs cuivres  sans résultat.

En une journée, j'ai pu éliminer plus de cochonneries sur ce plateau qu'en deux mois cumulés (à peu près) de travail acharné. Et ô miracle, la couleur originel du laiton commence à apparaître ! Et ça devient franchement beau à voir...

Promis, juré, craché, je vous fais suivre mes découvertes sur ce plateau et son origine !

vendredi 26 novembre 2010

Du temps où les regrattiers faisaient fortune

Savez-vous ce qu'était un regrattier ?

Je me suis intéressée à ce métier lors d'une très jolie balade sur l'Île Saint-Louis, à Paris. Nous sommes passés rue Le Regrattier quand le vieux dinosaure qui m'accompagnait s'est enflammé et m'a demandé ce que je savais des arlequins.La question n'était qu'un prétexte pour me raconter une histoire :

Regrattier, un commerçant qui profite des restes

Nicolas-Jean-Baptise Raguenet
Le pont Marie et l'île Saint-Louis, 1757
Les regrattiers étaient des marchands peu scrupuleux qui avaient trouvé le job idéal pour faire fortune.

Au Moyen-Âge, comme à la Renaissance, les festins des riches bourgeois et grands seigneurs étaient rarement consommés dans leur intégralité. Les restes étaient récupérés par les regrattiers. Ceux-ci les resservaient sans trier aux plus pauvres contre argent sonnant et trébuchant.

Les regrattiers revendaient ces restes dans des arlequins, cônes de papier roulé, en mélangeant tout, mets sucrés et salés, vieux os et parfois mêmes détritus. De quoi ravir les papilles...

Les regrattiers de sel étaient un peu différents : à une époque où le sel était un bien précieux, imposé au même titre que l'impôt sur le revenu aujourd'hui, les regrattiers de sel, élu par la communauté, le revendaient au détail dans une petite boutique, appelée banc à sel.

La légende de la rue Le Regrattier

D'après mon vieux copain, la rue Le Regrattier, sur l'Île Saint-Louis, est un hommage au fondateur de ce petit coin situé au cœur de Paris.

Un regrattier qui avait fait fortune se pencha sur la question des deux îles  avoisinant celle de la Cité, les îles aux Vaches et Notre-Dame, servant aux paysans pour y mettre leurs bêtes. Il se fit une réflexion qui peut rappeler le promoteur que Jacques Dutronc avait évoqué dans sa chanson Le petit jardin :

"Non, mais franchement, laisser cette terre aux bouseux et autres maraîchers, au prix du mètre carré à Paris aujourd'hui, on croit rêver ! Un bon coup de pelle, quelques mètres cubes de terre, et on en parlera bientôt autrement !"
Et c'est ainsi que le richissime regrattier qui avait fait fortune en revendant des restes combla le petit espace qui séparait les deux îles.

De la légende à la réalité

Plan de Paris par Vassalieu - 1609
Cette histoire n'est pas tout à fait exacte.

Si Le Regrattier est bien l'un des fondateurs de l'île Saint-Louis, il n'avait de regrattier que le patronyme : il fut trésorier de la Garde des Cent-Suisses, au service du roi Louis XIII.

Il rejoignit le riche entrepreneur Christophe Marie et M. Poulletier, commissaire des guerres, dans ce projet un peu dingue qui fera des  deux îles inhabitées (parfois scènes de duels féroces) un quartier chic et résidentiel. L'idée convint au roi Louis XIII et au diocèse : dès 1614 les grands travaux purent commencer.

La particularité de cette urbanisation d'îles vierges est la construction de rues en damier. Ils firent également construire deux ponts en pierre, le pont Marie qui rejoint la rive droite et le pont de la Tournelle, vers le quai du même nom, rive gauche.

Les deux plans ci-joints permettent de se rendre compte de l'évolution du paysage en moins de 50 ans...

La rue Le Regrattier depuis le 17e siècle


Plan de Paris pas Gomboust - 1652
Elle porta différents noms à travers le temps : nommée dès sa création "rue Le Regrattier", elle devint dès 1680 "rue de la femme sans-tête", en hommage à une échoppe qui présentait comme enseigne une femme effectivement sans tête tenant un verre à la main. Les bâtisseurs de l'île n'avaient pas laissé un souvenir impérissable, 50 ans après la fin des grands travaux, pour que que change si vite le nom de cette voie...

C'est en 1870 que la rue reprit son nom actuel. L'enseigne devait être tombée depuis un moment, et ne devait plus avoir assez de sens pour nommer encore ainsi cette artère parisienne...


Sources :
1/  Nomenclature officielle de Paris
2/ Plans anciens de Paris
3/ L'Indépendant du 4e arrondissement de Paris
3/ Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, par Louis Lazare


À savoir : Rue de la femme sans tête est également le nom d'un roman de  Jean-Baptiste Evette, publié chez Gallimard en 2000.

samedi 13 novembre 2010

Le Cabinet de toilette de la Baronne Staffe

Le Cabinet de toilette par la Baronne StaffeVous êtes-vous déjà demandé ce que pourrais donner un mix de la Baronne de Rothschild avec Rika Zaraï ?
C'est en fouinant dans un dépôt-vente que j'ai trouvé la réponse : la très célèbre (fut un temps) Baronne Staffe, auteur de plusieurs guides à succès sur les bonnes manières et l'hygiène féminine.

Les bons conseils de la Baronne

Je ne sais pas si cette dame avait du chien, mais elle a su dicter aux jeunes femmes de la fin du 19e suffisamment de règles en tout genre pour les maintenir dans un corset rigide de bonnes manières et de bon goût. Le sien, en tout cas.

Elle est l'auteur entre autres des Usages du Monde, dont Mme de Rothschild a dû s'inspirer tout comme des milliers de femmes pendant une bonne cinquantaine d'années, et du Cabinet de toilette, déniché cet été dans un rayon de livres anciens.

Ah, les bons conseils de la Baronne Staffe... Pétrie de bonnes intentions et des préjugés de son époque, elle nous explique dans son Cabinet que c'est au Moyen-Âge que la propreté corporelle fut considérée comme une impiété (grave erreur), que le lavage des éponges doit être fait par la maîtresse de maison et non par les domestiques, et que pour garder le teint rose et frais en vieillissant, si des mondanités nous empêchent de nous coucher avec les poules il est conseillé de boire un bouillon et un verre de malaga en se couchant.

Si ma mère m'avait enseigné ça un jour, je crois que je l'aurais regardée avec de grands yeux ronds...

Femme à sa toilette par Caillebotte, 1973Mis à part ces détails, un grand nombre de recettes de lotions, crèmes et potions naturelles émaillent les pages de ce guide plutôt bien écrit. La Baronne critique vertement les produits cosmétiques industriels, responsables de tous les maux (une visionnaire, la Staffe ? où simplement une personne d'une grande lucidité ?), et invite de toutes ses forces au naturel.

En feuilletant ce guide, j'ai souvent eu envie de rire (je ne me suis pas beaucoup retenue), et parfois de noter ses conseils. En bref j'ai eu l'impression de lire l'une de ces revues féminines bourrées de conseils de beauté qui suivrait la mode du retour au naturel, blindées de photos retouchées de filles squelettiques  dont le naturel consiste en un maquillage épais mais dans des tons discrets.

La Baronne, sa vie, son œuvre

Retour maintenant aux origines de cette fameuse Baronne Staffe. Je n'ai pas pu m'empêcher de fouiller un peu sur le Web, pour y découvrir qu'elle n'est pas plus Baronne que moi, mais plutôt une modeste bourgeoise, née en 1843 sous le nom de Blanche Soyer et élevée par ses deux tantes à Savigny-sur-Orge. Celle qui publia Mes secrets pour plaire et être aimée finit vieille fille, sans contact particulier avec l'aristocratie française, mais eu un tel succès avec ses ouvrages qu'elle fut capable de s'offrir un pavillon à Savigny, la Villa Aimée, devenu paraît-il le commissariat de police de la ville (!). Elle travailla pour différents journaux de l'époque (dont le Figaro) sa plume n'étant pas dénuée d'intérêt.

Victor Havard, éditeur de la Baronne

On en arrive maintenant au professionnel du livre, et à ce qu'il fut à l'époque de notre spécialiste des bonnes manières : Victor Havard, qui publia l'exemplaire du Cabinet que j'ai entre les mains, avait repris la suite de son père, Gustave.

Je n'ai pas trouvé beaucoup d'informations à son sujet, à part qu'il fut l'éditeur de Maupassant et que sa maison d'édition lui causa certainement plus d'une crise de foie :

La fin du 19e fut une période vraiment très dure pour les éditeurs-libraires, qui fut fatale à notre Victor. Jugez plutôt : son père résista à deux faillites en obtenant des concordats, sorte de redressement judiciaire, en 1846 et 1861.

Le fils eu moins de chance : un premier concordat accordé en 1896 (année de l'édition de mon Cabinet, vous l'aurez relevé sur la couverture du livre) l'avait sauvé, une deuxième faillite en 1906 lui fut fatale.

La faute à qui ? Certainement à une sorte de capitalisation renforcée du monde de l'édition, où les gros créèrent des sortes de grossistes du livre, ou fusionnèrent les uns entre les autres (comme Le Moniteur et Dalloz à cette même période). Et où un maximum de petits éditeurs indépendants disparurent définitivement*.

*Source : Histoire de la Librairie française, éditions du Cercle de la Librairie 2008

mercredi 3 novembre 2010

Salon International du Patrimoine culturel : du 4 au 7 novembre 2010

Salon International du Patrimoine Culturel 2010 - Carrousel du Louvre, ParisVite, une info de dernière minute !
Du 4 (soit demain) au 7 novembre 2010 aura lieu le Salon International du Patrimoine Culturel au Carrousel de Louvre, à Paris.
Ce sera l'occasion de rencontrer les spécialistes des métiers d'art, de se pencher sur les particularités du patrimoine méditerranéen et de passer un bon moment entouré de belles choses...
Aurais-je le temps d'y faire un tour ? Hmmm... je l'espère !
Plus de renseignements sur le site du Salon : www.patrimoineculturel.com

dimanche 31 octobre 2010

Artisanat du livre : création d’un livre d’art au tirage limité

Ce diaporama de photos prises sur toute la durée de la création de ce livre a été trouvée sur le Blog du Bibliofil :



Ça donne le vertige, non ? J'aimerais parfois pouvoir ralentir le débit de cette avalanche de photos (plus de 3000 clichés pris en deux mois !), pouvoir observer en détail la réalisation de ce livre d'art. Bon, en fait, ça me donne tout bêtement envie d'aider cette femme, de discuter avec elle, d'apprendre son art et de passer du temps dans son atelier...
En tout cas, j'applaudis à deux mains le photographe et l'artiste relieuse, l'idée est excellente et passionnante !
The Complex Of All Of These a été publié en 35 exemplaires, numérotés et signés par son auteur-façonneur, Abigail Wendler Uhteg.
PS : Après avoir fait une petite recherche rapide sur la toile, j'ai trouvé une fiche de ce livre en vente dans une association américaine, Women's Studio Workshop.