samedi 13 novembre 2010

Le Cabinet de toilette de la Baronne Staffe

Le Cabinet de toilette par la Baronne StaffeVous êtes-vous déjà demandé ce que pourrais donner un mix de la Baronne de Rothschild avec Rika Zaraï ?
C'est en fouinant dans un dépôt-vente que j'ai trouvé la réponse : la très célèbre (fut un temps) Baronne Staffe, auteur de plusieurs guides à succès sur les bonnes manières et l'hygiène féminine.

Les bons conseils de la Baronne

Je ne sais pas si cette dame avait du chien, mais elle a su dicter aux jeunes femmes de la fin du 19e suffisamment de règles en tout genre pour les maintenir dans un corset rigide de bonnes manières et de bon goût. Le sien, en tout cas.

Elle est l'auteur entre autres des Usages du Monde, dont Mme de Rothschild a dû s'inspirer tout comme des milliers de femmes pendant une bonne cinquantaine d'années, et du Cabinet de toilette, déniché cet été dans un rayon de livres anciens.

Ah, les bons conseils de la Baronne Staffe... Pétrie de bonnes intentions et des préjugés de son époque, elle nous explique dans son Cabinet que c'est au Moyen-Âge que la propreté corporelle fut considérée comme une impiété (grave erreur), que le lavage des éponges doit être fait par la maîtresse de maison et non par les domestiques, et que pour garder le teint rose et frais en vieillissant, si des mondanités nous empêchent de nous coucher avec les poules il est conseillé de boire un bouillon et un verre de malaga en se couchant.

Si ma mère m'avait enseigné ça un jour, je crois que je l'aurais regardée avec de grands yeux ronds...

Femme à sa toilette par Caillebotte, 1973Mis à part ces détails, un grand nombre de recettes de lotions, crèmes et potions naturelles émaillent les pages de ce guide plutôt bien écrit. La Baronne critique vertement les produits cosmétiques industriels, responsables de tous les maux (une visionnaire, la Staffe ? où simplement une personne d'une grande lucidité ?), et invite de toutes ses forces au naturel.

En feuilletant ce guide, j'ai souvent eu envie de rire (je ne me suis pas beaucoup retenue), et parfois de noter ses conseils. En bref j'ai eu l'impression de lire l'une de ces revues féminines bourrées de conseils de beauté qui suivrait la mode du retour au naturel, blindées de photos retouchées de filles squelettiques  dont le naturel consiste en un maquillage épais mais dans des tons discrets.

La Baronne, sa vie, son œuvre

Retour maintenant aux origines de cette fameuse Baronne Staffe. Je n'ai pas pu m'empêcher de fouiller un peu sur le Web, pour y découvrir qu'elle n'est pas plus Baronne que moi, mais plutôt une modeste bourgeoise, née en 1843 sous le nom de Blanche Soyer et élevée par ses deux tantes à Savigny-sur-Orge. Celle qui publia Mes secrets pour plaire et être aimée finit vieille fille, sans contact particulier avec l'aristocratie française, mais eu un tel succès avec ses ouvrages qu'elle fut capable de s'offrir un pavillon à Savigny, la Villa Aimée, devenu paraît-il le commissariat de police de la ville (!). Elle travailla pour différents journaux de l'époque (dont le Figaro) sa plume n'étant pas dénuée d'intérêt.

Victor Havard, éditeur de la Baronne

On en arrive maintenant au professionnel du livre, et à ce qu'il fut à l'époque de notre spécialiste des bonnes manières : Victor Havard, qui publia l'exemplaire du Cabinet que j'ai entre les mains, avait repris la suite de son père, Gustave.

Je n'ai pas trouvé beaucoup d'informations à son sujet, à part qu'il fut l'éditeur de Maupassant et que sa maison d'édition lui causa certainement plus d'une crise de foie :

La fin du 19e fut une période vraiment très dure pour les éditeurs-libraires, qui fut fatale à notre Victor. Jugez plutôt : son père résista à deux faillites en obtenant des concordats, sorte de redressement judiciaire, en 1846 et 1861.

Le fils eu moins de chance : un premier concordat accordé en 1896 (année de l'édition de mon Cabinet, vous l'aurez relevé sur la couverture du livre) l'avait sauvé, une deuxième faillite en 1906 lui fut fatale.

La faute à qui ? Certainement à une sorte de capitalisation renforcée du monde de l'édition, où les gros créèrent des sortes de grossistes du livre, ou fusionnèrent les uns entre les autres (comme Le Moniteur et Dalloz à cette même période). Et où un maximum de petits éditeurs indépendants disparurent définitivement*.

*Source : Histoire de la Librairie française, éditions du Cercle de la Librairie 2008

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